Lumières d’été : secrets de tournage
Attachement à Hiroshima
Jean-Gabriel Périot avait déjà abordé le thème d’Hiroshima dans 200 000 fantômes, court-métrage documentaire autour de la mémoire de la bombe qu'il a réalisé en 2007. Le réalisateur a donc choisi de revenir à cette thématique avec laquelle il entretient une relation forte. Il explique pourquoi :
« C'est un endroit avec lequel je continue à entretenir une relation forte. J’y vais quasiment tous les ans, j’y ai des amis, une part de ma vie… Quelque chose me rattache à cette ville, son histoire bien sûr, mais aussi la manière dont elle existe aujourd’hui. J’ai ressenti le besoin de faire un nouveau film sur Hiroshima, sur comment l’histoire du bombardement persiste à survivre, comment elle continue à avoir un impact sur le présent. Lumières d’été était aussi une manière d’exprimer ce qu’Hiroshima m’a appris, ce que la rencontre avec cette ville m’a apporté. »
Témoignages
Pour préparer Lumières d'été, Jean-Gabriel Périot a entrepris une recherche assez exhaustive où il a récolté de nombreux témoignages. Le cinéaste a également rencontré des survivants et a été très marqué par la manière dont la plupart d'entre eux terminent leurs témoignages. Il confie à ce sujet :
« Ils les concluent souvent par le devoir que nous aurions de profiter de nos vies. Évidemment, il n’y a aucune naïveté dans ce qu’ils entendent par là. Ils ont eu à traverser de telles atrocités… Ils ont fait l’expérience concrète de la fragilité des choses et c’est surtout cela qu’ils expriment : quand on réalise que la vie est précieuse alors on peut commencer à lutter contre ce qui la détruit, le nucléaire bien sûr, mais pas seulement. C’est un discours éloigné de ce que l’on entend habituellement par « devoir de mémoire » et qui sous-tend l’idée que nous devrions porter en nous les souffrances du passé comme nous porterions un fardeau ou une dette. Le discours des survivants de Hiroshima nous portent vers une certaine idée de la résistance. »
Premier long métrage de fiction
Lumières d'étéest le premier long-métrage de fiction réalisé par Jean-Gabriel Périot. « Avant Lumières d’été, j’ai réalisé plusieurs courts-métrages de fiction. Le genre d’un film s’impose de lui-même dès le début d’un projet. Par exemple, la fiction arrive spontanément quand j’ai envie de travailler d’une manière métaphorique, décalée sur le réel. Je ne voulais pas faire un film sur un fait historique mais sur ses répercussions », explique le metteur en scène.
Ouverture du film
Lumières d'été s'ouvre sur une séquence d’interview pour un documentaire Jean-Gabriel Périot a voulu procéder de la sorte parce qu'il a éprouvé le besoin de commencer le film sur quelque chose de sombre, de pesant et de concret. « C’était important pour moi que l’on ressente une certaine libération une fois la séquence terminée mais aussi que l’effet de cette séquence perdure. Le poids de ce témoignage était nécessaire pour que l’on puisse ressentir le détachement progressif du personnage. »
Le personnage d'Akihiro
Le personnage principal d’Akihiro joué par Hiroto Ogi est un cinéaste japonais vivant en France. Jean-Gabriel Périot voulait que ce personnage soit partagé entre deux mondes. « S’il avait été totalement extérieur, français par exemple, il n’aurait pas pu avoir le même rapport avec ceux qu’il croise. Il fallait cependant qu’il ait quelque chose de suffisamment étranger pour résister spontanément à l’aventure qui lui arrive. J’avais besoin pour cette histoire d’un personnage qui soit comme hors du réel, de l’Histoire, de la politique. Le film montre justement comment, grâce à Hiroshima et à Michiko, il va retrouver une certaine présence au monde. »
Point commun
Quelle que soit la forme utilisée, les films de Jean-Gabriel Périot ont comme sujet commun la manière dont l'Histoire et ses conflits ont modifié et continuent de modifier les rapports humains. « Il y a en effet quelque chose de cet ordre-là dans mon travail. À une nuance près : face à un de mes documentaires, c’est le spectateur qui, en fonction de son propre bagage culturel et historique, va tisser des liens entre les évènements historiques que le film montre et le monde dans lequel il vit. Dans mes fictions, ce sont les personnages qui sont directement porteurs de cela », précise le réalisateur.
Côté casting
Comme il en a été ainsi dans Lumières d'été, Jean-Gabriel Périot préfère travailler avec des acteurs qui ne sont pas professionnels ou alors qui proviennent d'autres champs artistiques. Le metteur en scène développe au sujet du casting de son film :
« Par exemple, j’ai pu voir Les Rue de Pantin de Simon Leclerc qui était montré à ce moment-là au festival Côté Court. Le rôle principal était joué par Hiroto Ogi dont c’était le premier film comme comédien. Je l’avais trouvé assez convaincant. Quand nous nous sommes rencontrés, on s’est rendu compte qu’il avait plus d’un point commun avec le personnage d’Akihiro : il vivait à Paris depuis des années, il travaillait dans le cinéma, principalement comme producteur mais avait aussi des projets de films comme réalisateur, il se posait la question de sa relation avec le Japon, etc. Il y avait une évidence qu’il interprète Akihiro.
Je me rappelle avoir trouvé Keiji Izumi dans un petit restaurant à Hiroshima. Nous avions fait un casting la journée pour le rôle du grand-père mais sans succès. Nous étions en train de parler de ça au restaurant avec mes assistants quand deux messieurs qui buvaient à côté de nous ont entamé la discussion. Keiji était très cinéphile et comme tout Japonais adorait le cinéma français, Delon, Belmondo… Il était tellement sympathique que je lui ai proposé de jouer dans mon film et il a répondu oui ! Quand nous sommes allés le voir le lendemain dans son propre restaurant, il était assez étonné. Il pensait que je lui avais fait une blague. En plus d’être très amical, il est natif d’Hiroshima et parle avec l’accent local.
C’est par casting que j’ai trouvé Yuzu Horie qui joue le petit garçon ainsi qu’Akane Tatsukawa qui était alors étudiante en sciences forestières mais qui venait de passer un an dans une troupe de théâtre amateur. Elle nous a charmé par sa beauté, sa douceur et son rire, et quand elle a nous chanté la chanson de la fin du film, il était évident qu’elle devait avoir le rôle de Michiko. Tous les personnages secondaires du film sont des amateurs qui jouent leurs propres rôles. Par exemple, le patron du restaurant dans lequel mangent Akihiro et Michiko, est vraiment le patron de ce restaurant. On a filmé cette séquence comme on l’aurait fait pour un documentaire. Lui ne joue pas du tout, il est comme ça dans la vraie vie ! »
Allocine
Août 2017
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